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[Traces] Numérique et écologie : Faire du web et être écologiste, est-ce compatible ?

Issu de Faiseuses du Web n°2 en 2023, voici la retranscription du fish bowl Numérique & écologie

Note : Le fish bowl ne donne pas une retranscription facile à s’approprier si vous n’étiez pas là pour voir toute la dimension informelle de l’évènement. Nous partageons tout de même la retranscription dans l’espoir que cela puisse vous servir néanmoins.

Note 2 : L’enregistrement était de très mauvaise qualité, la retranscription n’est peut-être pas parfaitement fidèle à certains endroits, désolée d’avance…

Introduction de Claire Z.

Oui, bonjour tout le monde. Alors, j’ai pris des notes ici. Je m’excuse par avance, ça va un peu parasiter. Mais voilà, c’est la première fois que je fais intervention là-dessus. Puisque donc je suis développeuse le jour et dans des associations écolos la nuit. C’est probablement pour ça qu’on m’a proposé d’ouvrir cette session là en disant que j’ai peut-être des choses à dire là-dessus. Je comptais me baser sur mon expérience personnelle et les questions qui m’avait traversée pour introduire cette session. Donc j’espère que ça va être un minimum incarné.

Pour resituer un tout petit peu, moi là-bas je ne viens pas du milieu du web, du milieu plutôt culturel et social, et je me suis reconvertie dans le web. Et donc depuis le début en fait, je suis un peu sur la ligne de crête entre les deux. Donc quand je fais du web je suis sur des préoccupations sociales, quand je suis dans le social je pense aussi techniques, etc.

Au début, ce n’était pas du tout des questionnements écologiques qui m’agitaient. Et puis, et puis, je suis tombée dans le fameux syndrome de la maternité qui m’a fait me poser beaucoup plus de questions il y a quatre ou cinq ans.

Et à partir de là, je me suis posée un peu cette question-là, limite noir sur blanc : “Ok, Je fais du web. C’est pas forcément hyper écologique. De quelle façon est-ce que je peux concilier ça avec des préoccupations qui se renouvellent pour moi et qui sont assez, assez accrue, vraiment qui me prennent au corps.”

Donc, premier mouvement, ça a été plutôt de me dire: je vais aller vers tout ce qui va être éco-conception, c’était encore relativement neuf à l’époque et pour moi, ça se traduisait par “ok, j’ai envie de faire des sites statiques à tout va, et j’ai envie aussi de faire un peu plus d’UX, d’expérience utilisateur, pour faire en sorte de n’avoir que des fonctionnalités qui soient importantes et d’enlever d’écrémer au maximum ce qui était inutile ou nocif.

Les questions qui m’agitaient et je suis toujours là-dessus, c’est “ok, ça demande pas mal de taf de bien faire l’écoconception. Et puis, qu’est-ce que ça permet de faire exactement ? Ça permet de faire en sorte qu’on puisse utiliser des pages moins lourdes, d’utiliser un peu plus longtemps nos supports…”

Je commençais à m’intéresser aux ordres de grandeur, ce qui va beaucoup comtper c’est le renouvellement du matériel, et pas tant que ça l’utilisation des services numériques, donc changer son smartphone tous les deux ans, etc.

Mais bon, après tout, est-ce que ça va pas aussi simplement foutre un pansement sur une jambe de bois ? que ce n’est pas juste une caution pour continuer à dématérialiser à tout va plutôt que de remettre du service public, de remettre les humains derrière un guichet, pour pouvoir renseigner des gens. Si ça permet juste de continuer à faire du business as usual en permettant de changer ses appareils numériques, en les gardant une année de plus…

Est-ce que ça a vraiment du sens de faire de l’éco-conception ? Est-ce que c’est là-dessus que j’ai vraiment envie d’aller là-dessus où je me sens le plus utile ?

Et donc il se trouve qu’en plus j’ai bossé sur du site statique, mais c’était difficile économiquement… Et je me suis retrouvée à bosser sur d’autres techniques et technologies que je maîtrisais, pas forcément très réputées en termes d’écoconception. Mais par contre, la nouvelle ligne que que j’expérimente, c’est plutôt de me dire: “Bah ok, je fais du numérique. Peut-être que c’est pas que dans la façon dont je fais du numérique que je peux avoir une place dans la question écologique, mais dans d’autres domaines.”

Je fais du numérique, ça veut dire… ben moi en l’occurrence là, actuellement, je gagne plutôt bien ma vie.

Non, est ce que je peux continuer à faire du numérique et plutôt, à défaut de faire du web qui soit écologique, faire des dons à des structures qui militent dans la question écologique.

Est ce que faire du numérique, allier numérique et écologie, ça peut aussi vouloir dire bosser pour des structures qui sont dans l’écologie et leur donner des outils qui leur permettent d’être plus efficaces ?

Est ce que ça peut aussi vouloir dire profiter de… on peut se poser aussi la question du sabotage si on passe un petit cran. On est en poste pour des… enfin certains d’entre nous peut-être bossent dans des infrastructures, mais ce n’est pas mon cas. La question du sabotage… moi je sabote le service sur lequel je bosse, à peu près personne s’en rend compte. Et ça a aucune incidence et ça a aucun impact.

Mais il y a toujours cette question quand même des infrastructures… Ceux qui veulent s’engager un peu plus, peut-être qu’il y a des questions de sabotage à aborder aussi ?

Le dernier point où j’en suis, et qui qui m’agite aussi au quotidien, c’est me dire “ok, numérique et écologie… Deux choses. La première chose c’est que moi je m’estime maintenant dans un secteur qui est hyper privilégié. Je bossais avant dans la culture. J’ai longtemps été smicarde à bosser 60 heures par semaine et je sais que les conditions sont encore pire maintenant.

Et c’est le cas pour tous les milieux sociaux. Maintenant, je bosse à temps partiel et mon métier est hautement valorisé dans la société actuelle. Donc, je me pose vraiment la question de la responsabilité des personnes qui bossent encore dans le numérique. Responsabilité, peut-être aussi bien pour des temps futurs, de prendre sa charge, de faire sa part, et un peu plus parce qu’on a plus de moyens que d’autres. Peut-être, en tout cas, moi, j’ai plus de moyens que d’autres, c’est pas forcément le cas de tout le monde dans le numérique.

Est ce que la responsabilité sera aussi dans un monde à +3, +4°, est-ce que faire du web ça peut aussi être réussir à continuer à maintenir des infrastructures qui sont brinquebalantes, et qui seraient quand même utiles…

Ou bien est-ce que, finalement, ça a encore du sens ou pas, de faire du numérique dans un monde à +4°

Est-ce que ce serait pas mieux qu’on se reconvertissent tous ? Moi, j’ai la tentation. À côté de ça, à côté du web, je travaille avec les plantes, avec une pépinière associative. Peut-être qu’un moment la bascule elle se fera vraiment. Mais avec aussi le pendant du… eh bah on perd aussi pas mal de choses à sortir de notre zone de privilégiés, moi depuis que je gagne bien ma vie, je me rends compte à quel point c’est dur, la perspective de mal gagner sa vie.

Voilà, je vous laisse avec toutes ces questions-là qui sont les miennes, qui sont peut-être aussi des questions que vous pouvez vous poser.

Échanges des participant·es

« (inaudible) »

« GreenIT, Tech for good, utilité des petits gestes, fresque du numérique, télétravail, Job that make sens, shift your job, infrastructure et architecture plus durable, comment ? »

« Du coup t’a parlé de faire du site statique et abandonner des techniques utilisées et qui était pas très durables. Puis finalement t’es revenue dessus, ou alors j’ai mal compris. »

« Finalement, là où j’ai trouvé du job, c’est pas sur des sites statiques. »

« Et, du coup, toi tes recommandations se serait quoi vis-à-vis de… en termes de conception ? Ou est-ce que, en fait, finalement, ça pèse pas tant que ça, et puis vaut mieux s’orienter vers autre chose. »

« Je sais pas. Pour moi, ça pèse pas tant que ça. Si tu t’intéresses aux ordres de grandeur, tu te dis, tu peux être amenée à te dire que ça ne pèse pas tant que ça, et ce n’est pas ce qui est le plus coûteux, mais en même temps, moi, tout mon cheminement, ça a été de trouver aussi, où est la place que je sens être la mieux pour moi ?

Comment est-ce que je diminue la dissonance cognitive ? Donc, y a pas de “il faut ou il faut pas le faire”. Moi, ça m’a semblé pas suffisant. J’avais envie de faire plus et mieux. C’est aussi pour ça que j’ai laissé tout ça de côté.

Et aussi j’entends parfaitement les gens qui disent non moi je veux continuer à faire de la tech et continuer à faire du web, et donc je veux le faire de la manière la plus écologique et responsable qui soit.

Et ça s’entend, et ça dépendra de quel impact tu veux avoir et avec quoi tu te sens à l’aise. Je me sens à l’aise d’essayer de faire d’autres trucs. Mais c’est pas forcément le cas de tout le monde et c’est très bien comme ça aussi.

Toi les questions que tu te poses c’est quoi en fait ? »

« Je me pose aussi un peu ces questions là. J’ai pas fait la recherche de combien ça pesait exactement. Mais j’ai envie d’aller vers quelque chose qui est plus léger à terme, peut-être aussi sortir du web. »

« Peut-être que c’est un parcours aussi à faire. Ptet que c’est un parcours de dire “ok, je commence par vouloir voir de quelle façon je peux faire mieux du web…” et puis peut-être que le parcours s’arrête là pendant X temps, parce que c’est satisfaisant.

Et puis, peut-être qu’un moment, il y a d’autres questions, on se dit: ah ben non, mais j’ai envie de faire encore plus. Puis hop, il y a d’autres d’autres marches qui sont là.

Moi, je l’ai fait, Je l’ai pas fait de façon très poussée, j’ai été un peu flemmarde de l’écoconception. J’ai fait ce que j’ai pu. J’ai remarqué, à l’époque en tout cas, que ça ne me permettait pas tant que ça de gagner ma vie, parce que ce n’est pas là-dessus que mes compétences étaient recherchées, et j’ai choisi la facilité.

Et de dire: “ok, je prends un job qui est moins numérique durable, mais qui me permet de me dégager du temps à côté pour faire des trucs qui ont du sens pour moi.”

Toi, tu fais du développement ? »

« Ouais, plutôt front, et pour la grosse tendance en ce moment c’est que tout le monde utilise des frameworks lourds. Et moi ça me plaît pas.

Mais peut-être que en fait, les ordres de grandeur sont pas si… J’en sais rien, pareil j’ai la flemme de regarder mais.

J’ai du mal à faire entendre aux gens, vous n’êtes pas obligé d’utiliser des frameworks pour tout ou des trucs comme ça. »

« Je trouve que ça pose une question hyper intéressante, ce truc de dire : “Au boulot, on utilise des gros frameworks. et moi je ne suis pas à l’aise avec ça.”

Et j’ai l’impression qu’il y a deux trucs: il y a l’impact écologique et il y a un peu la vision politique dans le sens : Faire sobre ou pas.

Et que c’est pas forcément directement corrélé dans le sens où, donc, si on regardait que l’impact écologique, effectivement, comme l’enjeu principal du numérique c’est de pas renouveler les terminaux, donc les ordis, les téléphones et tout… Est-ce que utiliser un framework qui est lourd ça empêche la rétrocompatibilité, par exemple.

Peut-être parce que ça va dans l’innovation et donc, du coup, ça, c’est compatible avec les trucs les plus récents et pas avec les vieux. Mais même ça, c’est pas complètement sûr. Donc, peut-être qu’on pourrait, je ne sais pas trop… lâcher ça. Et en même temps, à côté, il y a la partie un peu politique, sobriété, où c’est un peu rageant de faire des bousins, toujours plus lourds et toujours plus énorme, alors que… est-ce qu’on en a vraiment besoin ? Il faut qu’on aille vers faire moins… Alors, du coup, pourquoi est-ce qu’on fait ça ?

Donc, moi, j’ai l’impression qu’il y a cette différence entre les deux, et ça me fait me demander aussi, sur quoi est-ce qu’on se concentre, et sur ces enjeux d’éco-conception et de ce qu’il faut faire plus sobre, est-ce qu’il faut faire des sites statiques, des trucs comme ça…

Je me demande, en termes d’efficacité par rapport au changement climatique plus général, est-ce que on est sur le bout de la lorgnette parce que c’est dans notre domaine, sur nos compétences spécifiques, et qu’on se dit: “ah, on pourrait faire mieux quand même sur…” donc moi c’est en design, des trucs super spécifiques “mais cette typo ou cette couleur, est-ce que niveau écologique c’est vraiment bien ?” Et on est sur des bouts de trucs et je me dis: “mais en fait, alors peut-être que je compare des trucs qui n’ont rien à voir.”

Mais en fait, si tu manges pas de viande pendant un repas, plutôt que de te faire chier pendant trois heures à choisir ta typo… l’impact en termes de CO2 il n’a rien à voir.

Et donc est ce qu’on n’est pas en train de se concentrer sur des trucs qu’on a l’impression de maîtriser au niveau individuel, super spécifiques, plutôt que de dire “Non, en fait, moi, je fais des sites, ils ne sont pas éco-conçus mais en fait on s’en branle. Par contre, je vais bloquer le méthaniseur qui est à côté de chez moi.”

Et en fait les trois heures au lieu de choisir ma typo je les passe à bloquer le méthaniseur, et ça a 1000 fois plus d’impact.

Et j’ai peur que dans le numérique, on se coince dans cette ornière : “Mais on fait des trucs aussi côté numérique, vous inquiétez pas, regardez c’est éco-conçu, les datacenters sont verts, blablabla. Entre greenwashing et des vrais trucs de personnes bien intentionnées et… finalement, est-ce que ça a de l’intérêt ? »

« Ça me rappelle ce débat “Pio faut envoyer moins d’emails” alors que c’est pas du tout comparable, c’est pas franchement les emails qui consomment le plus en usage du numérique. »

« Là on est champions du greenwashing ! »

« J’ai une image à la noix qui m’est passée en tête. Qui est que, effectivement, on a des frameworks de plus complexes à utiliser. Comme si on avait un peu des SUV des sites internet et tout. Et on se dit avec l’écoconception que non, en fait, il faut passer toute la flotte à l’électrique. Avec des outils qui sont mieux en termes de décarbonation et tout, et que tout sera réglé. Sauf que en fait passer toutes nos bagnoles électriques ça ne résoud pas du tout les soucis, c’est tout le plan de mobilité qu’il faut revoir, tous nos déplacements, qu’il faut voir et donc juste passer, voilà à des sites électrifiés… ça suffira pas, quoi. »

« Moi je voudrais changer un peu de sujet. J’ai trouvé une des remarques très intéressantes, qui disait “quel était le rôle du numérique dans un monde à +3°, +4°… C’est une question qui est très intéressante. J’ai ma propre réponse. J’espère qu’elle est correcte mais je ne sais pas.

Il y a un truc pas du tout été mentionné jusqu’à présent, c’est la puissance du numérique en terme de diffusion de savoir. Et pour moi dans un monde à +3°, +4°, le numérique il sera très utile pour partager les informations rapidement et parce qu’on va devoir évoluer a priori assez vite dans des situations qu’on connaîtra pas.

Donc s’il y a des gens qui seront capables de bien réagir à certaines choses, le numérique, à mon avis, sera très utile à ce moment-là pour qu’on se passe les infos et que tout le monde puisse s’adapter, parce que je pense qu’on va devoir s’adapter assez vite. »

« Alors moi, à l’origine donc, je disais que je bossais dans la culture, notamment, je bossais dans une asso qui faisait de l’art numérique. Et ça, ça remonte à 2008, ça commence à dater un peu. Et ce qui portait cette asso là c’était tout ce qui est utopie d’internet du début, le partage d’informations, le savoir pour tout le monde, l’auto-organisation, etc.

2008-2022 c’est vrai que je suis un peu revenue là-dessus. Je trouve ça hyper compliqué. Les évolutions du numérique, du numérique dominant en tout cas, me font dire “aaaah c’est la merde”.

C’est là qu’on a des le poids de grands groupes, le poids de la désinformation, etc. Donc, j’ai cet espoir là toujours, des utopies d’internet et en même temps, je n’arrive pas à garder ou à fonder tout mon espoir là-dessus.

Et pourtant je vois quand même que ça joue un rôle dans, même, dans les mouvements actuels. Les soulèvements de la terre, la façon dont ça se répand, c’est aussi à travers ces outils-là, puis ensuite mobilisation massive sur place.

Mais malgré tout, je ne sais pas maintenant, j’ai peur je suis un peu revenue de ça. De ce côté de l’internet, des origines, du grand rêve bleu d’internet. »

« C’est vrai que ça a été un peu accapré par… »

« Et donc je me dis : “ok, on peut garder ça en ligne de crête, mais moi, en tout cas, je parierais pas là-dessus, j’ai envie de foutre mes billes aussi dans autre chose.”

Donc ça sera pas moi qui maintiendrai les infrastructures. Tant mieux si d’autres le font, mais personnellement je mettrai mes billes ailleurs. »

« On a parlé tout à l’heure d’expérience personnelle. Du coup, je vais lancer mon expérience personnelle. Moi y a pas longtemps, j’ai appris à m’occuper des plantes. Tu as parlé des plantes ça m’a fai penser à ça aussi…

Et je trouve que les infos qu’on peut trouver en ligne, justement pour moi ça a été une béquille énorme, parce que quand tu connais pas une plante, c’est bizarre, ça ne parle pas, ça ne donne pas d’infos, tu ne sais pas ce qu’il faut faire…

Et j’ai trouvé que, dans ce domaine-là, internet avait été une source exceptionnelle de connaissances et de… Je ne trouve pas le mot en français. Ça m’a permis de me lancer et de commencer, et j’ai l’espoir que, dans le futur, ou pour d’autres problèmes des gens auront la même facilité à trouver des infos et à se sentir capable de faire des choses comme ça. »

« Oui alors… Ensuite j’arrêterai, je suis désolé, je suis hyper bavarde sur le sujet je me rends compte.

Oui, je te rejoins sur ça, pour moi aussi, et je suis en fait…je cauchemarde du fait qu’internet puisse s’arrêter… Aussi parce que toutes ces sources d’infos, de données, de connaissances puissent puissent être coupées quoi… »

« Là pour moi ce serait un énorme retour en arrière, en fait. »

« Mais… de mouvement que je fais en parallèle à ça, des recherches sur internet, c’est que petit à petit, je vois autour de moi je connais les réseaux, et j’ai jamais autant appris sur les plantes, qu’en allant à des stages, à des journées en rencontrant d’autres jardiniers, en discutant vraiment sur du concret… Et deuxième truc: je dépense un fric fou dans des bouquins. Donc là, je commence à avoir une bibliothèque conséquente sur tout ce qui est plante en me disant, ça servira toujours et ça pourra être prêté, et ça servira sur le territoire. Si, quoi que ce soit, si coupure, si… Si plus de ressources numériques, etc. »

« On est d’accord que tu perds le côté… instantané ça serait un peu un gros mot… rapide on va dire en matière de diffusion de l’information ? »

« Ouais »

« Parce que ça c’est une des raisons pour laquelle j’ai de l’espoir. On a parlé d’un gros changement climatique à venir, et donc peut-être que des infos qu’on a qui deviennent… pas invalides »

« caduques ? »

« Voilà. Et peut-être que le numérique là dedans peut avoir une utilité dans la vitesse à laquelle elles se transmettent. »

« Sur ce point précis sur la vitesse. Je pense qu’il y a une espèce de fumée autour de la vitesse et de la rapidité, parce que, dans tous les cas, l’information, même si c’est un livre ou n’importe quoi, l’information, il faut que tu la prennes, que tu la digère, voilà il toutes ces étapes d’information dont ton cerveau a besoin, je pense. Et ça, internet ou pas, c’est à peu près le même temps. Et je suis pas sûr que aujourd’hui, en fait, on essaie d’aller hyper vite, tout le temps, partout, dans tous les milieux, et justement, numérique et écologie dans le numérique. Tout va très vite, tout change en 6 mois.

Et peut-être justement que on peut essayer de se dire comment on fait du numérique, mais moins vite.

Parce que c’est cette rapidité là aussi qui fait que c’est pas maintenable d’aller aussi vite et de maintenir cette cadence là de rapidité d’information, d’échange, d’accessibilité à tout.

Je parlais d’infrastructure et j’ai un ami qui a une instance qui tourne, je crois que c’est à l’éolien ou parc solaire et qui est pas tout le temps disponible, l’instance elle fonctionne pas à 100%. Et c’est pas grave, le service il est là quand c’est possible.

Et quand les conditions sont réunies pour le faire et du coup on ne se rend pas dépendant. Non, c’est juste un service qui est disponible à un instant T et que, au moment où on utilise ce service, il est disponible parce que il y a toutes les étapes qui font que c’est disponible. »

« Je n’étais pas du tout convaincu jusqu’à ton exemple, et ton exemple est très convaincant. »

« Je pense qu’il y a ce truc là de… c’est un outil. Et toutes les conditions ne seront pas toujours là pour que cet outil soit disponible. Du coup, je pense que c’est pour ça que la rapidité, il faut pas… tous les outils ne peuvent pas être disponibles à tout instant.

Et du coup là, la rapidité et l’instantanéité du numérique, je pense que ça fait partie du problème. »

« Moi, j’ai du mal à voir le défaut de la rapidité du numérique. Je trouve que c’est quelque chose qui est brillant et on a eu un exemple hier, on parlait des barricades à Hong Kong. Et ça c’est, je trouve un exemple qui est vachement optimiste parce qu’on a une méthode de contestation, qui s’est exportée en quelques jours ou des semaines, grâce à ça.

Il n’y a rien d’autre sur terre qui permet de faire un truc comme ça. Enfin, de manière aussi… parcequ’on pourrait dire la télé, j’en sais rien, mais décentralisée et accessible à tout le monde, c’est quand même…

Et la seule chose que je voulais dire, c’est que, du coup, si on est dans un monde où tout change très vite, là on a eu un exemple d’une méthode de contestation qui s’est exportée en quelques semaines. Ok demain va falloir qu’on réagisse très rapidement. Peut-être que c’est une clé, j’en sais rien. »

« Là, on a parlé de l’impact du numérique et pour moi, il y a quelque chose d’évident, qui est que le numérique peut éviter beaucoup d’autres impacts collatéraux en passant par le numérique. Donc notamment pour chercher un job en télétravail. Et évidemment avec le covid on a travaillé beaucoup en ligne, ça a évité, pour ma part, dans mon ancien taf, beaucoup, beaucoup de déplacements en voiture, beaucoup, beaucoup de déplacements en avion. Donc, sur ça, je pense qu’en terme d’équilibre, c’est faux, et du coup, moi, je suis aussi partie de mon taf, parce que quelque chose qui m’avait fait prendre ce poste avec la perspective de pouvoir beaucoup bouger à l’étranger, qui me mettait mal à l’aise à la fin, quand on m’a dit: hein, tu vas enfin pouvoir aller en Turquie, j’étais en mode “Oh non” et c’est bizarre… Voilà donc… moi je viens d’arriver dans le numérique. Ce n’est sûrement pas le truc parfait niveau écologie, mais tout ce que j’ai évité, même si quelqu’un d’autre a pris ma place, pour mon empreinte carbone égoïstement personnelle, du coup, j’ai évité quand même pas mal de choses. Quelqu’un a pris ma place par contre… »

« Est ce que vous vous sentez responsable de quelque chose de là où vous êtes ? »

« Du coup sur la partie numérique, ce serait… quand je fais quelque chose, j’essaie de rajouter le moins de serveurs possible en plus quelque part. A te dire : tiens, comment est-ce qu’on peut faire le truc qui soit le moins gourmand. Et comment est-ce qu’on peux… comment est-ce que quand on fait une demande de “je voudrais ça”, je puisse le filtrer à travers “Mais est-ce que quand tu me demandes ça, t’es conscient ou consciente que ça coûte tant, que c’est tant de données, que c’est tant de trucs, que c’est tant de machins” et souvent, quand les personnes sont à l’écoute, le prennent en compte et du coup je me dis, je fais ce travail là de pouvoir faire la traduction entre techniques et conséquences.

Et j’essaie de travailler le moins possible et faire plus de trucs hors écran. »

« Moi, je ne sais pas développer. Moi je suis une utilisatrice et du coup je vais ramener ça à l’utilisateur. Nous, on en a besoin, en fait, du numérique. Et on fait confiance à ceux qui ont fait le site. Moi, j’ai des logiciels qui me permettent de voir quelles pages sont ouvertes en même temps que la page où je vais, j’utilise umatrix. Donc, je sais à peu près combien il y a de sites qui s’ouvrent en même temps. Du coup ça m’a permis aussi de découvrir que lorsqu’on on va sur un site, eh ben, c’est pas que le site qu’on va voir. Il y a aussi plein d’autres… enfin c’est ce que j’ai compris, on ouvre plein d’autres pages sur d’autres serveurs… puisqu’il y a d’autres noms de domaine.

Et ça, je suis bien contente d’avoir des bloqueurs, du coup ça les empêche de s’ouvrir.

Et j’ai fait aussi un blog. Comme je ne sais pas faire, je fais avec mes… je regarde un peu à droite, à gauche, et puis je vais essayer de voir. Je fais du copier, je vais essayer.

Vous parliez tout à l’heure du poids de vos sites, je ne sais pas combien il pèse le mien.

Et, par contre, ce que je sais, c’est que j’ai pas mis… il y a que mon adresse, y a que mon nom de domaine qui est dessus. Donc je me dis: c’est pas trop mal. J’ai pas pris tous les packs google qui, dans certains sites, je ne sais pas si c’est écologique, mais en tout cas, je sais que je trace personne.

Donc du coup voilà. Je ne sais pas si je suis responsable de quelque chose en écologie. Je me pose des questions. Et je fais comme je peux, en essayant de faire le moins pire.

Et puis je me dis: il y a plein d’autres gens qui ont envie de faire… qui ont des choses intéressantes à dire. Mais je ne saurai pas leur conseiller, par exemple, quel site, comment faire, où, quel site prendre pour qu’ils puissent faire le leur. Et ça, c’est vrai que ça, bon, j’ai beau chercher, il y en a certains, mais ils sont compliqués.

J’ai testé, il y a des trucs qui sont durs à faire quand on ne sait pas faire.

Et ça, c’est pas simple non plus. Mais en même temps, moi, j’aime beaucoup le numérique. En me disant: voilà, moi, j’ai des copains. Ils sont à l’autre bout du monde, et si j’allais les voir, ça coûterait encore plus cher. Le poids là en écologie, il est quand même moindre avec le numérique.

Et puis, je me dit, il y a peut-être aussi, comme tu parlais des terminaux, la machine qu’on va utiliser… on peut peut-être faire tenir le plus longtemps possible.

Là nous on a du poids, en tant qu’utilisateur. On peut changer son système s’il est trop lourd. Si c’est une machine qui rame, au lieu d’en acheter une autre et on va lui mettre un système plus, plus léger, et puis elle va durer encore plus longtemps.

Et du coup, tous ces métaux là qui sont extraits, ben on n’a pas besoin de les extraire de nouveau pour avoir une nouvelle machine.

Nos smartphones, pareil, on va essayer de les faire tenir le plus longtemps possible. Et puis ne pas forcément écouter toutes les applications qui vont nous dire : “Oh, achetez un nouveau parce que on marchera beaucoup mieux”. Ben tant pis si ça marche pas, j’en ai pas besoin.

L’écologie elle passe peut-être par la sobriété. Moi les mails je vais les regarder tous les jours.

Mais je suis pas obligée d’avoir toujours mon ordinateur allumé. Et puis voilà, ça va être des choses comme ça. Mon téléphone me sert juste à téléphoner. Et je vais pas sur internet avec je vais, je vais rien faire avec… c’est un smartphone, mais il téléphone, il reçoit des sms. »

« Moi j’avais une question aussi, avec ce que tu amènes. La question que je me pose… une question à laquelle j’ai pas du tout de réponse finalement. On est très dépendant de serveurs, de datacenters à l’extérieur… et on a tous, toutes des connexions internet, à la fois sur notre téléphone à la fois, parfois, chez nous. Et du coup il y a eu des projets il y a quelques années… par exemple qui s’appelait “la brique internet”, de décentraliser vraiment cette infrastructure là et de moins dépendre des datacenters. Donc, c’est-à-dire en installant, en ayant des services qui tournent en local, chez nous.

Et voilà une des questions que je me pose. Finalement, c’est : “Est-ce que vous sauriez peut-être, c’est quoi l’état de l’art là-dessus à l’heure actuelle ?” Puisque j’avoue que moi j’ai un peu… ben je fais pas ça en fait. Finalement, j’ai essayé de le faire à un moment: installer un petit Rasperry Pi chez moi, ou avoir un serveur, et en fait, je ne sais pas, j’y ai pas mis l’énergie que j’aurais pu y mettre, je pense.

Et voilà, et je trouve ça intéressant comme approche peut-être, et c’est ça aussi une autre question, c’est : “Et ce serait quoi le coût écologique de ça, est-ce que que ça sert vraiment à quelque chose, est-ce que finalement avoir des services qui tournent sur des data centers, peut-être ça coûte moins, peut-être pas ?” Voilà mes pistes de réflexion… Et puis peut-être un petit lien aussi avec ce qui se disait tout à l’heure, le rapport à l’immédiateté. Justement si je repense à nos terminaux, qu’on a dans la poche, peut-être qu’on utilise pour recevoir des messages, on peut aussi imaginer ne pas avoir besoin de relais d’information et travailler en connexion directe. Bon je sais qu’il y a plein de projets qui bossent là dessus et je connais un peu les limites de ça. Mais j’ai l’impression que le cadre a beaucoup évolué, en fait, ces dernières années, parce que tout le monde a des smartphones. »

« Je vais rebondir sur l’infrastructure. Puisque c’est en partie ce que je fais. Et l’impact des datacenters… un datacenter est vachement optimisé pour réduire sa consommation électrique et sa déperdition de chaleur.

Mais au-delà de ça, le coût, on l’a dit plusieurs fois, il est à la fabrication. Et quand on loue une instance de cloud dans un datacenter, c’est les serveurs qui vont être renouvelés assez fréquemment pour rester en fait maintenus par le fabricant, pour éviter les pannes. Et une réflexion que j’ai dans mon travail, c’est que nos services, nous, ils sont pas dans le cloud, ils sont nos propres serveurs, nos datacenters. Et dans mon équipe d’un récupère en fait les vieux surnom de la production pour les faire durer, donc ils sont plus maintenus. Et on nous a proposé plusieurs fois d’en racheter d’autres, et avec d’autres membres de l’équipe on a ces réflexions. On se dit que ceux qu’on a là ils fonctionnent. Et on préfère en fait, et c’est la réflexion que j’ai, c’est comment on peut prévoir l’infrastructure de manière à ce qu’elle soit résiliente au fait qu’on sache que ça peut casser. C’est à dire qu’on prévoit d’installer des serveurs qui vont casser. À un moment il y a un contrôleur qui va tomber en panne.

Ça a son impact, est-ce que c’est grave, est-ce que c’est pas grave si le service ne marche pas pendant une semaine le temps qu’on en trouve un autre ?

Est-ce qu’on en prend plusieurs vieux pour faire de la redondance et si ça tombe on remonte sur l’autre, au lieu d’en racheter d’autres, parce que ça ne coûte pas grand-chose, de les avoir juste là éteints.

Pour moi il y a un intérêt à héberger que se soit chez soi ou dans un environnement qui soit moins impactant. Si ça tombe en panne, ça tombe en panne sur certains services ça peut ne pas être tout le temps. Sur d’autres oui. »

« Oui moi en fait j’ai le truc de l’escalier. Donc, en fait, je souhaitais réagir à la question de… Est-ce que ous sentez une responsabilité ?

Donc moi, je me sens une responsabilité. Voilà, comme certaines l’ont dit, j’essaie dans mes pratiques individuelles de faire gaffe, avec toutes les difficultés qu’on peut avoir à faire durer ses équipements ou… on ne maîtrise pas tout nos choix quoi.

Mais surtout moi, depuis cette année, je donne des formations, principalement auprès des bibliothécaires, sur des questions d’écologie et numérique. Et avec souvent une demande des personnes qui viennent pour être formées, d’avoir des connaissances théoriques sur le sujet, mais surtout de pouvoir faire des ateliers avec leur public, qui sont bien souvent des ateliers autour des petits gestes. Et donc, moi, tous mes questionnements autour de ces questions-là, c’est comment, en fait, on rend sensible toutes les problématiques invisibles liées à l’écologie, au numérique et notamment le fait que, avec l’extraction minière, on pollue des terres, souvent des terres indigènes à l’autre bout du monde, et que ça continue une politique colonialiste. Et comment on rend sensible ça, en évitant la paralysie derrière ? Et ça, c’est vraiment des trucs qui sont, je trouve, pas facile et qui se résolvent pas en 2 jours de formations de toute façon, c’est sûr. Et par exemple, voilà, dans une bibliothèque, on fait un atelier de sensibilisation du public sur “voilà les petits gestes, faire durer ses équipements, etc.” C’est super, mais à côté de ça, la bibliothèque, à la demande des élus souvent, elle va par exemple acheter un casque tv pour faire des activités réalité virtuelle, parce que la réalité virtuelle, c’est super innovant, c’est top moderne machin, etc. Et du coup, souvent, dans des structures comme ça, il y a des ateliers de sensibilisation, mais globalement, la cohérence de l’ensemble de la structure, bah, en fait, ça, ça va pas, avec ces ateliers là. Donc voilà, moi, ça boucle sur plein de questions que je me pose sur : comment on fait ensemble pour essayer d’améliorer les choses. »

« Sur la responsabilité j’ai regardé une émission il y a pas très longtemps avec 3 scientifiques qui faisaient partie du conseil pour le climat. On en pense ce qu’on en veut, peu importe.

Mais dans ces 3 personnes il y avait une sociologue. Et c’est un discours que je trouve on n’a pas eu assez, ces dernières années, l’aspect social de la lutte écologique. On va pas dire lutte écologique, mais de tout cet aspect-là. Qui parlait justement qu’on mettait énormément de responsabilités sur les gens, au quotidien. Que y avait… tu parlais de dissonance cognitive tout à l’heure entre : on dit aux gens de faire attention à ce qu’ils consomment, mais on leur propose le dernier smartphone, de faire des pubs au quotidien sur le dernier smartphone, donc on met la responsabilité sur l’individu. Et on en vient aux questions d’individualisme qu’on avait hier.

C’est tout cet aspect de valeurs au final, je crois qui… où on est individualisés, donc forcément la responsabilité elle est sur l’individu et du coup, forcément, tout le monde se dit : ah, mais je n’ai pas le droit de faire ça, ou je peux pas… Toutes ces questions là elles se posent sur l’individu et à contrario d’avoir des structures qui se posent même pas la question est qui s’injectent elles même de l’argent et qui réfléchissent pas à toutes ces questions là doncou je pense qu’il y a un truc de …globalité.

De “comment faire ensemble” ? Je n’ai pas la solution de comment faire ensemble, mais voilà. »

« Et moi je voulais répondre sur cette question de casque de Réalité virtuelle. J’ai un peu des connexions à la noix, avec les piscines. Il y a plus en plus de débats, en tout cas dans le coin, sur les piscines, d’ailleurs une nouvelle piscine communautaire qui va être créée.

C’est un équipement qui énergivore au possible, pas du tout écolo. Est-ce qu’on fait bien d’en faire une ou pas ?

Et puis la réflexion qu’on peut avoir, que j’ai un petit peu de mon côté, c’est peut-être mieux qu’un équipement énergivore soit collectivisé, quitte à interdire les piscines individuelles. Et je me dis peut-être que le rôle d’un équipement comme la bibliothèque, c’est aussi d’avoir des trucs qui sont énergivores mais qui permettent d’être testés et que se soit collectif, que soit commun, plutôt que des foyers, la tentation de multiplier eux-mêmes ce type d’équipement là. »

« J’aime bien cette réflexion là. De se dire que les outils qui consomment trop sont collégial et sont collectifs. Et c’est un truc qu’on perd, je pense c’est un truc qui marche je pense pas mal dans les petites villes, petites et moyennes villes, on va dire. Mais qui se perd, je pense, dans un niveau plus plus global.

Moi j’habite à Bordeaux et je pense que ce truc-là de faire pour tous, il est noyé dans la masse on pourrait dire. »

« Moi je dirais qu’il y a aussi la problématique de, par exemple, si on rebondit sur les bibliothèques : qui va en bibliothèque ? En gros, c’est les CSP+, pour aller très vite. Il y a des personnes qui vont pas en bibliothèque parce qu’elles se sentent pas légitimes à y aller. Et du coup, ça touche pas tout le monde quoi… Ptet qu’il y a une question de taille de structure aussi. »

« Il n’y a pas que les bibliothèques. Il y a aussi des tiers lieux… des endroits qui vont être fait par des citoyens. Je suis entièrement d’accord sur le fait qu’on peut fédérer des outils. Et je rebondis… Je passe du coq à l’âne, mais sur la VR, ça peut aussi être utile dans certains cas, des personnes qui pourraient pas se déplacer… qui pourrait faire des explorer des choses, des musées… de façon différente. »

« Je sais pas si ce qu’il faut questionner, c’est l’utilité d’une technologie ou si c’est son usage. Si je prends par exemple la VR ça peut être intéressant pour la conception, l’architecture, plein de choses comme ça. Et, en fait, qui va acheter des casques VR demain ? C’est peut-être des gens qui vont s’en servir pour des jeux vidéo, du loisir… En fait la masse quoi. Du coup, cette réflexion là, moi, je l’ai en ce moment avec le web parce que, du coup, c’est là dedans que je suis… mais du coup, il y a quand même un gros mouvement de fond ce qui fait que, du coup, j’ai un peu 2 signaux qui m’arrivent : C’est d’un côté peut-être assez de… Je suis assez positif quand je vois, par exemple, que la communauté des développeurs commence à se sensibiliser au fait d’exporter des fichiers statiques. D’avoir juste quelques micro services pour gérer des formulaires de contact, et puis basta, et en fait sinon on revient juste sur le web de base et c’est un peu… c’est bête, mais je veux dire quand le web a été créé, finalement, il avait tout quoi. Il avait la sobriété et l’accessibilité, et ce n’était pas que par choix, c’était aussi parce que il y avait des limites techniques aux machines. Et ces limites on ne les a plus. Il n’y a plus aucune limite, c’est-à-dire que, pourquoi est-ce que tout un chacun a autant de puissance dans l’ordi qu’il a chez lui, par exemple ? Quel est l’usage qu’il en fait et donc en fait voilà, c’est ça où je voulais en venir, c’est que, finalement, je vois que, en tout cas pour les développeurs qui ne sont pas… pour les développeurs éclairés, parce que après, c’est des questions de pourcentage. Mais l’idée, finalement, de toujours sortir un CMS bien connu pour faire le site d’un cordonnier qui va changer trois fois par an les horaires, ou je ne sais pas… un resto qui change son menu une fois par semaine. On voit que ça a ses limites, on voit que ça sert pas, en fait, qu’il y a des solutions beaucoup plus sobres. Et du coup aussi plus résilientes, plus sécurisées. Ca a plein d’autres avantages. Sur la consommation électrique aussi. Je pense que on est toujours pas en train de payer le coût réel des choses. Du coup, ça nous permet de vivre largement au-dessus de nos moyens. Et par exemple, avoir un ordi avec une alimetation de 1000 watts ça n’étonne plus trop. Alors que je sais pas, par exemple, j’ai vraiment découvert en l’achetant et je n’avais pas fait attention, mais j’ai mon dernier ordi c’est une alim de 30 watts et je fais tout avec, c’est mon ordi de boulot. Et je suis assez étonné de ça.

Et donc je me dis : c’est la technologie des processeurs ARM qui arrive. Donc en fait tout ça pour dire que oui, clairement il faut… enfin mes dernières phrases pourraient laisser penser que je me dis que la techno change les paradigmes et nous aide. En fait, c’est pas tout à fait ça. C’est quel pourcentage de gens, quelle utilisation et surtout se questionner sur l’usage. Je ne sais pas.

En fait, peut-être que dans mon environnement, les gens me questionnent pas mal quand ils ont besoin d’acheter, un ordi, ils m’appellent aussi quand leur freebox marche plus… Mais en fait, l’idée, c’est peut-être de questionner de les gens sur leur usage et dire: ok, t’as besoin de quoi réellement ?

Et c’est pareil pour un site internet. Tout à l’heure, on parlait des serveurs, on parlait de rapidité. En fait, il y a peut-être une limite à la rapidité au-delà de laquelle là, par contre, on devrait payer un surcoût. Est-ce que si on utilise un réseau de CDN qui va redonder toute l’info, qui va consommer à fond mais juste pour gagner quelques microsecondes, sur le site de mon cordonnier comme tout à l’heure ou le site de ma mairie. En fait, si j’ai besoin d’un service, que j’attends un petit peu, ce n’est pas non plus si grave que ça. Effectivement, Amazon, ils vont perdre quelques centimes si ils font pas ça, mais pas mon cordonnier en fait.

Ces questionnements sur… quel est l’usage réel, quel est l’usage dont j’ai besoin, quelle techno est la plus adaptée à ça ? Donc, ça c’était pour le côté positif, où je trouve qu’il y a de plus en plus d’alternatives pour ça, et puis en plus avant on faisait pas mal à la main, et puis là, il y a quand même vachement de petits générateurs qui font des sites statiques pour nous, et je trouve ça chouette.

Et en même temps, ben c’est le pourcentage et le nombre de gens qui se questionnent là-dessus ou là par contre, je me dis : bon bah, peut-être que, ok, c’est peut-être pas une grosse proportion.

L’autre jour, il y avait un appel des énergéticiens, des vendeurs d’énergie, des fournisseurs d’énergie à couper tout ce qu’on avait d’électrique chez soi quand il y avait l’allocution d’un personnage politique à 20 heures. En fait, j’étais embêté parce que j’avais rien à éteindre. Il faisait encore jour. Bon, enfin, voilà, à part débrancher mon frigo…

Donc il y a en parallèle de ça, moi je viens du sud de la France. Dans le sud de la France, il y a des conflits autour des couloirs aériens, par exemple, où on impose à la population le fait qu’on ait des jets qui contiennent 1,3 personnes, qui passent continuellement dans le ciel et qui embêtent un gros pourcentage de la population.

Quand on voit qu’il y a un grand nombre de vols qui sont faits pour aller de Monaco, Nice, à Mandelieu. Donc là, on est sur du 60 km… peut-être que…donc ça, c’est mon côté un peu plus négatif, c’est-à-dire que ouais, tout ça, c’est super enthousiasmant, les processeurs consomment moins tout ça…

Et en même temps, ben, non, c’est-à-dire par exemple le vol privé, les jets, en fait, c’est en explosion. Il y avait une émission là-dessus d’envoyé spécial qui a un mois ou deux. Ça explose. On avait un ministre des transports qui était lui-même pilote d’aviation d’affaires. Et qui mettait ça en avant… Voilà, on n’a plus de train, on n’a plus de train de nuit… Et du coup, ça me fait rebondir aussi sur ce qui était dit sur nos questionnements de “à qui on demande de faire l’effort.”, et est-ce que ça va être encore finalement uniquement aux mêmes, avec une catégorie au-dessus qui sera libérée de cet effort parce que c’est pas grave, parce que c’est cool, parce que boire du champagne et jouer au golf, finalement, faire les deux en même temps… C’est finalement, c’est un plaisir aussi. Donc, évidemment, est-ce que quand on a les moyens, on se questionne sur ses plaisirs, est-ce que… Demander toujours aux mêmes et questionner sur: ok, mettez des cols roulés… Mais la personne qui demande de mettre des cols roulés, elle parle d’où ? Elle fait quoi comme efforts ? Voilà, c’est tout ça que je questionne et qui, là, pour le coup, me rend moins optimiste… »

« Je vais revenir sur la vitesse… j’ai lu 2 bouquins il y a une paire d’années qui m’ont fait vouloir me sortir de ce truc-là. C’est “la vitesse” de Paul Virilio qui décrivait comment la vitesse et l’instantanéité, en fait, sont plutôt des soutiens du capitalisme et de la création de richesses et créateurs d’inégalités. Et il y avait “le bluff technologique” de Jacques Ellul aussi, qui était assez fort dessus, où avant déjà que le minitel existe, il prévoyait que si on est sur des systèmes informatisés qui sont entièrement reliés entre eux, ça ne fera qu’accélérer une économie qui était déjà là et que la vitesse qu’elle avait servi à faire, c’était extraire des choses, extraire des ressources plus rapidement, transporter des ressources plus rapidement et enrichir des gens qui sont riches plus rapidement. En fait, c’est l’effet principal, c’est ça donc, nous, ça nous avantage. Mais ce qu’il faut voir, c’est que ce truc là, il va surtout servir à ces personnes. Du coup aujourd’hui je me dirais : si on a plus internet, en fait c’est une crise économique mondiale. Ce truc-là s’arrête. On fonctionne autrement. En fait, l’écologie avait à dire : parce qu’on va faire moins d’extraction de ressources, parce qu’internet s’est arrêté. Si on débranchait la prise radicalement, on aura ça. »

« Pour ce que tu as dit sur les machines. La tienne celle que t’as trouvé elle consomme moins d’électricité. Et ben moi j’ai découvert aussi sur des ateliers des machines qui sont… enfin y a rien dans la machine, elle peut que se connecter sur internet.

Et je vois pas l’intérêt en fait. Pourquoi est-ce que les gens ont construit des machines, qui ne peuvent être que connectées ? Donc du coup, même si tu veux faire, tu as la formation du coût écologique… Ben, c’est pas bien, ils n’ont aucune main dessus. On leur a dit d’acheter cette machine.

Et puis ils peuvent même pas… Il n’y a même pas de logiciel pour écrire, y a rien, tout est sur internet. Sincèrement ça m’a horrifié. »

« Tout est chez Google. »

« Oui notamment. Je voulais pas le dire, mais effectivement c’était chez Google, c’est un chromebook. »